Le premier jour
Dimanche 13 novembre 2011


Le premier jour a commencé en réalité la veille, le samedi à 22 heures, quand mon amie Nisara a reçu un appel téléphonique d’une de ses soeurs. Elle vient vers moi en pleurs pour m’annoncer la mort de son père et son départ le lendemain pour Khorat dans le nord-est (Issan) proche du Cambodge. Je décide sur le champs de l’accompagner, sentant que j’allais vivre quelque chose de particulier. A 22 h.30 nos places étaient réservées dans un avion en partance pour Bangkok à 7 heures du matin.
Pendant le trajet, elle m’explique que toute sa famille l’attend à l’hôpital de Khorat (Maharat Nakhonratchasima Hospital) pour la levée du corps. Aussitôt arrivé à Bangkok, elle négocie le prix d’un taxi pour les 4 heures de route (270 km pour env. Fr. 77.-).
Arrivé devant l’hôpital, 5 ou 6 de ses frères et soeurs (sur une fratrie de 10) sont là pour nous accueillirent. Sommaires présentations, puis nous montons au 8ème et dernier étage. Premier choc, la quinzaine de lits dans le corridor. Le deuxième choc, ce corridor longe une unique pièce contenant selon mon estimation 55-58 lits, montés sur pieds à roulettes, disposés dans un désordre incroyable. Chacun venant trouver un de ses proches déplace, écarte les lits voisins pour accéder à celui convoité. La pudeur, la boule dans mon plexus et la gêne que j’ai vis-à-vis des familles m’interdisent de faire des photos (j’en prend quand même une ou deux à la sauvette) de ce qui m’apparait comme un mouroir vu l’âge et l’état de ceux qui occupe cet immense local.
Dernier choc, et pas des moindres, celui que Nisara me désigne comme son père est toujours vivant, sous assistance respiratoire. Un médecin débranche le «futur mort» et nous l’emmenons sur une civière avec nous dans l'ascenseur pour descendre au parking. Il essaie de parler, de respirer... sa fille ainée lui parle pour le calmer tout en lui mettant un linge sur la bouche et un autre sur les yeux.
La civière et le mourant sont posés sur le pont d’un pick-up, ainsi que 2 ou 3 de ces fils et beaux-fils. On me fait l’honneur de m’asseoir à côté du chauffeur, alors que 3 de ses filles occupent le siège arrière.
J’ai de la peine à comprendre. Nous allons à une cérémonie funéraire d’une personne toujours vivante (?). Nous roulons depuis environ 1/2 heure, après être sorti de ville, à 120 km/h. lorsque des coups, tapés sur la vitre arrière par les passagers sur le pont, nous annoncent la mort du papa.
Lorsque nous quittons la route rapide nous réduisons la vitesse et nous slalomons entre les immenses nids de poule que la mousson et les tracteurs des grandes compagnies de cannes à sucre ont créés. Après une heure nous arrivons enfin dans le village. Le chauffeur donne des coups de klaxon pour annoncer à tous l’arrivée du mort.
Dans la cour de la ferme, assises par terre sur une natte, la veuve ainsi que quelques vieilles du village qui l’accompagnent partent en larmes. Le corps est déposé sur une table et tout le monde vient se prosterner entre ses pieds. Un enfant, que l’on force à cette pratique, hurle d’effroi. Le corps est ensuite lavé puis habillé par ses filles les plus âgées avant d’être déposé dans le cercueil. Ce dernier, qui n’a pas de couvercle, est finalement glissé dans une chambre froide à roulette (bahut couvert de verroterie et enluminé) qui va être garnie et encensée durant les 4 jours de veillée funèbre.
Commence alors les préparatifs - chapiteau, chaises, tables, nourriture - pour recevoir tous les invités. Rien que la famille proche - filles, fils et leurs conjoints, petits-enfants et arrières-petits-enfants - présent ce jour-là j’ai compté 53 personnes. Le jour de la crémation ce chiffre grimpera à près de 300 bouches à nourrir. Maintenant la maisonnée va vivre 24 heures sur 24. Il y a constamment des gens qui s’affairent en cuisine. Les femmes s’occupent du lavages de la vaisselles, de la préparation des légumes et de la cuissons des aliments. Les hommes ont les départements boucherie et poissonnerie; tuer, dépecer et émincer la viande à la machette.
Il y a le secteur divertissement, des organisateurs de jeu d’argent viendront chaque nuit dérouler leur tapis pour les mises, sorte de roulettes, et les billets vont passer de mains à mains entre perdants et gagnants.


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